Pendant qu’on dinait avec papa le 6 août à Saint-Fabien-sur-mer, il se rappelle des moments du passé. En transcrivant l’enregistrement de ces beaux souvenirs j’omets les rires sonores ainsi que les interruptions fréquentes de son plus vif interlocuteur, je parle bien sûr de mon mari Yvan qui était stratégiquement assis du côté de la bonne oreille de notre paternel-conteur.
Extrait 1. Un pi-pi l’poine!
Papa commence…. je pense qu’il avait 10 garçons (je crois que papa parlait du voisin de chez mon oncle Bertrand enfant) puis un des derniers avait un défaut de parlage. Il allait chez Antoine Janis qui avait un petit bistro… prendre une p’tite liqueur. Il demandait: ‘un pi-pi l’poine’. Antoine Janis pour le nommer, il comprenait lui. Mais Bertrand lui ne comprenait rien ’j’étais bouché pas mal’. Papa continue: moi je lui disais: ‘il faut que tu apprennes toutes les langues Bertrand’. Puis papa continue:’ Il nous conte ça puis il a le tour de nous conter ça’. ‘Mais qu’est-ce que ça voulait dire ça?’ demande Yvan. ‘Ça voulait dire un pepsi Antoine! Ah! mais t’avais pas compris encore!!!!. Voyons donc!’
Extrait 2. Un tel – une telle
Je devrais être mort depuis longtemps mais je ne suis pas tuable. Du vrai mauvais herbe ça pousse longtemps… mais moi j’ai pas poussé en longueur… J’étais haïssable un peu… des p’tits bouts de papier, j’avais le tour. J’te tirais ça à un tel. J’avais pas de ‘une telle’ moi. C’était tous des un tel, pas de ‘une telle’. J’ai jamais eu le plaisir d’avoir des filles dans ma classe… sauf à St-Simon. Il y en a une qui était ‘lette (laide)’ puis qui était grande… elle avait tout un nom, elle s’appelait Fortunate…. papa rit tellement qu’il en siffle…. Elle avait tout contre elle. C’était une Bérubé. Fortunate Bérubé, je me souviens du nom… les autres je ne m’en souviens pas… (mais un à un les noms reviennent). Il y en a une qui s’appelait Janine Caouette… elle était pas pire. Denise Lamarre… des noms qui me reviennent comme ça. André Chamberland c’était mon grand chum ça… à St-Simon. C’est déjà parti pour la gloire… pour le ciel j’entends… pour la gloire. Papa regarde Yvan puis lui dit tout bonnement: ‘il n’est pas sourd lui (en parlant d’Yvan)… il a des grandes oreilles…. non.. elles ne sont pas si grandes que ça…. il est bien proportionné.’
Extrait 3. La lutte à l’arena
E-M-I-L. C´était Emil Doucet. Quand c’était Michel Normandin – un des commentateurs sportifs les plus connus au Québec au cours des années 50 et 60 – qui annonçait ça, il était effaré puis effarant… On allait à la lutte… puis on allait proche… ‘COCHONS!’ on criait toutes sortes de choses… avec les doigts aussi…. mais quand il faisait le signe qu’il courrait après nous-autres, on sautait les bancs. C’était à la vieille arena sur la rue rouleau… une cabane de tôle… aujourd’hui c’est le stationnement de l’hôpital…. ça avait été bâti à la fin de la guerre en 45 ou 46. NON! c’était pendant la guerre, on était la seule arena… ça date du début de la guerre. A Price, à Mont-Joli, à Amqui, à Matane c’était une patinoire ouverte. Ça été payé par le régime de Maurice Duplessis. Il y avait le train. Le CN il marchait dans le temps, un train spécial partant d’Amqui qui amenait des amateurs ou seulement pour venir à l’arena, c’était un phénomène! Puis on a bâti l’autre (arena), la deuxième où était le magasin Paul Roberge en arrière, juste en arrière de là. Le pavillon en fait, lui il a passé au feu. La première arena était au nord de la résidence du docteur qui s’est fait manger par les ours… le docteur Germain puis ça été la résidence d’Alfred Dubé le député puis après lui c’est le juge Blanchard qui a acheté ça. Elle existe encore c’est un foyer quelconque…. l’auberge jeunesse. Donc c’était chez vous les Fillions, après ça t’avait Caroline, la belle grosse Caroline, ensuite Blanchard puis après l’arena. Elle était en retrait un peu, il y avait au moins un 100 pieds en avant. Elle n’a pas passé au feu en 50. Elle a disparue, ils l’ont défaite.
Extrait 4. L’exposition agricole
C’était l’exposition des animaux puis il y avait un espèce de kermesse là – fête en plein air comportant des jeux et des stands de vente, et organisée le plus souvent au bénéfice de quelque chose – durant l’expositon. La grande roue, tout ça c’était dans la cour de l’arena. Après ça l’exposition a déménagée au pavillon. On allait faire des tours de grande roue, le coeur levait… moi je me dépêchait à sortir pour pas en avoir sur la tête! Il y avait des années, les manèges c’était presque des avions. Ça tournait. Tout seul dans une petite cabine, le diable t’emportait… puis on AIMAIT ça. L’exposition…. on disait pas l’expo, on disait l’exposition. Puis les animaux passaient, ils allaient dans l’arena. Les animaux passaient des concours. Je me souviens d’un paquet de choses tu sais.
Extraitt 5. Le trompe-souris
C’est de Saint-Simon que je me souviens le plus. J’ai cherché le trompe-souris. Quand Yvon venait en vacances, lui et moi on allait là. Moi j’ai monté là souvent. C’était en haut de la côte, la grande côte pour monter au deuxième. On s’en allait par un petit chemin, pas un toe-path mais presque, un chemin de vaches …. et puis on s’en allait, Polion avait je ne sais pas combien de terrain… ça descendait la côte et puis il faisait son bois de chauffage là. Il avait bâti une petite cabane. Elle a disparue. Le trompe-souris ça allait vers Trois-Pistoles. C’était ce petit chemin là qui s’appelait le trompe-souris. Il n’est plus là, il a disparu. On est retourné marcher là comme il le faut mais on n’a jamais trouvé de vestiges. J’étais allé passer des vacances en été, on avait une grosse famille. Polion avait un cheval. Après sa run de malle (poste) il allait bucher. Le matin l’Express, le buggy. J’ai ridé mais il voulait pas. ‘Mon p’tit noryeux’. Je ne sais pas ce que ça voulait dire, il disait ça souvent parce j’étais haïssable. J’étais le diable. Un saint homme comme moi!
Extrait 6. En 45 j’hérite de la famille
Mario s’est enrôlé dans l’armée durant la guerre au lieu d’attendre son appel. il revient du coldfield à Québec. Il dit ça à ma mère d’abord. Il dit: ‘j’ai signé volontaire’. Maman a dit ‘ton père s’ra pas content’. Pis le père t’a fait toute une crise de nerf là. Il a dit Mo!(le surnom de Mario). Mario travaillait avec lui. Puis Yvon lui avait été dischargé. Il avait fait le sourd puis il est devenu sourd. Quant tu étais malade, t’avais une maladie quelconque comme les sourds, t’avais une discharge. Je ne sais pas si c’est un bon mot mais en tout cas, ils appelaient ça la discharge. Moi je comprenais tout ce que le père disait à Mario. Le docteur avait dit pour Yvon: ‘renvoyez-moi ça chez eux, il est sourd comme un pot, il n’entend rien’. Yvon avait dit: ‘j’ai presque eu envie de faire un p’tit sourire’. Il sortait avec Marguerite dans le temps. Il ne voulait pas s’éloigner. Finalement Mario… les deux travaillaient avec mon père. Mon père est tombé tout seul… malade en plus de ça. Alors c’est moi qui était troisième rejeton mâle, c’est moi qui ai hérité de la famille en 1945. Yvon était parti pour Drummondville, il était marié en 44. Yvon et Marguerite ont fêté 70 ans de mariage. Yvon est mort à 71 ou 72 ans de mariage. Il était tough, endurer Marguerite. Je ne dirais pas ça de ma douce moi.
Extrait 7. Né dans une tempête de neige
J’ai été accouché presque par les deux cultivatrices voisines. Le chemin de fer était bouché par la neige, le train était donc pris dans la neige entre Trois-Pistoles et Saint-Simon. On n’avait pas de médecin à Saint-Simon, il fallait qu’il vienne de Trois-Pistoles. Dans ce temps-là c’était la pelle. Ils partaient avec le petit pompeur de la gare, dans le temps la gare existait mais elle n’existe plus, puis ils s’en allaient déneiger à la pelle. Le docteur était pris dans le train. Quand il est arrivé il a coupé le cordon. C’est pour ça que je suis un peu excité. Ma mère m’a conté ça il n’y a pas tellement d’années. Dans ce temps-là c’était top-secret! Quand j’étais jeune elle ne m’aurait jamais conté ça. Elle était vieille… oui mon père était décédé depuis des années quand elle me l’a raconté.